Les 7 Soleils

"Et puis, pensez donc : Saint-Nazaire, le port, les quais, l’océan, le vent du large, les embruns qui vous fouettent le visage..."
Archibald Haddock - Les 7 Boules de Cristal

Accueil > Actu 7 Soleils > Benoît Peeters a mis ses pas dans les pas de Tintin

Invité de la 15e édition de Meeting

Benoît Peeters a mis ses pas dans les pas de Tintin

’Une réalisation qui donne à l’oeuvre une existence dans le réel’

jeudi 23 novembre 2017

Invité par l’association Les 7 Soleils et la MEET (Maison des Ecrivains Etrangers et Traducteur) à la 15e édition de Meeting, les rencontres littéraires internationales de Saint-Nazaire organisées le week-end dernier, Benoît Peeters n’a pas manqu’ de mettre ses pas dans les pas de Tintin, du capitaine Haddock et de Milou.

La MEET a été créée il y a trente ans, sur une idée d’un libraire nazairien, Christian Bouthemy, qui proposait d’accueillir des écrivains étrangers et traducteurs en résidence dans le building, immeuble emblématique de la reconstruction de la ville détruite par la dernière guerre et mis à disposition par la municipalité.

Reçus pendant un mois ou deux, dans un appartement situé au dernier étage et dominant l’estuaire de la Loire et le port, écrivains et traducteurs bénéficient d’une bourse et de temps pour faire avancer leur travail.

Seule contrepartie demandée : un texte, en rapport ou non avec leur séjour, qui donne ensuite lieu à une publication par la MEET. Plus d’une centaine de livres bilingues ont été publiés à ce jour. Parmi les écrivains passés par l’appartement du building plusieurs sont aujourd’hui lus partout dans le monde : Cesar Aira, Ricardo Piglia, Alan Pauls... L’un d’eux a été distingué par le prix Nobel de littérature : le Chinois Gao Xingjian.

Littérature vivante et intransigeante

Au début des années 2000 la direction de la Maison a été reprise par l’écrivain Patrick Deville. Comme il le raconte dans son dernier roman Taba-Taba, Patrick Deville a grandi ’de l’autre côté de l’eau’, c’est-à-dire sur l’autre rive de l’estuaire.

P. Deville a amplifié l’action de la MEET. C’est à lui que l’on doit les rencontres littéraires internationales Meeting qui se tiennent en novembre à Saint-Nazaire et se poursuivent la semaine suivante à Paris et en Ille-de-France.

Chaque année, Meeting met à l’honneur deux littératures étrangères ; invités les écrivains de ces pays se rencontrent à Saint-Nazaire. ’La MEET promeut une littérature vivante et intransigeante’ souligne Patrick Deville. L’action de la Maison est prolongée par l’édition, chaque année, des actes des Rencontres de Fontevraud consacrées à une oeuvre considérable : Malcolm Lowry, Antonio Tabucchi, Jean Genet, Mona Ozouf, en 2017 Alvaro Mutis...
Enfin, la Maison remet, chaque année également, le Prix de la jeune littérature latino-américaine qui distingue un écrivain débutant.

Une oeuvre ouverte et universellle

Cette année 2017, les rencontres Meeting ont accueilli les littératures du Pérou et du Portugal, deux pays qui ne sont pas étrangers aux tintinophiles puisque c’est à Callao, le port de Lima, que Tintin, Haddock et Milou sont rejoints, au début de l’album Le Temple du Soleil, par les Dupondt envoyés par la police... de Saint-Nazaire. Quant au Portugal, on se souviendra que la première publication non francophone des aventures de Tintin, et leur premier mise en couleur, a été due au magazine O Papagaio en 1936.

Pour revenir à Tintin, Benoît Peeters a donné le vendredi une conférence sur le thème Hergé, l’invention d’une oeuvre. Limpide et éclairant, son propos a couvert principalement la période 1929-1950. B. Peeters a montré comment, issu d’un milieu aux convictions étroites et en ayant aussi peu voyagé, Hergé est parvenu à donner naissance à une oeuvre aussi ouverte et aussi universelle.

’Des albums comme Le Lotus bleu, Le Sceptre d’Ottokar ou L’Affaire Tournesol demeurent aussi lisibles que s’ils avaient été dessinés hier, alors qu’ils s’appuient sur des évènements historiques très précis. Comme tous les vrais classiques, Les Aventures de Tintin entretiennent un rapport magique avec le temps.’ souligne Benoît Peeters qui y voit ’sans doute là le vrai secret de la "ligne claire", cette forme d’épure graphique et narrative par laquelle on définit souvent l’oeuvre d’Hergé.

A l’issue de cette conférence, il était réjouissant d’entendre certains qui, jusque là, avaient un regard superficiel, voire suspicieux, sur Tintin et ses aventures, découvrir avec un étonnement ravi qu’Hergé nous laisse une oeuvre étayée et riche (et ils se seraient privés de ces richesses narratives et graphiques’)

Frontière de papier

Samedi en début d’après-midi, Benoît Peeters a dialogué avec l’écrivain malien Ousmane Diarra sur le thème de cette 15e édition de Meeting : Vers l’avenir. Le matin, il n’avait pas manqué de mettre ses pas dans les pas de Tintin, du capitaine Haddock et de Milou à Saint-Nazaire en suivant le parcours jalonné par les agrandissements sur métal émaillé des visuels tirés de l’épisode nazairien des 7 Boules de Cristal mis en place par Les 7 Soleils. Parcours qu’il a poursuivi jusqu’à la table d’orientation Tintin et la mer installée à deux pas du Vieux Môle, le plus ancien édifice portuaire de Saint-Nazaire (il date de 1835), à ce moment-là enfoui dans la brume.

’J’ai le sentiment que c’est une réalisation qu’Hergé aurait aimée parce qu’elle fait sortir l’oeuvre hors de ses frontières de papier et lui donne tout à coup une existence dans le réel ’ commente Benoît Peeters à l’issue de cette promenade,

Admiratif "du mélange de passion et de patience qu’il a fallu pour concrétiser cette belle idée", Benoît Peeters y voit ’une chose étrange qui ressuscite un passé qui n’a jamais existé, celui de la bande dessinée, mais qui finit par exister. Le Saint-Nazaire suggéré se substitue à la réalité disparue’.
A travers Les 7 Boules de Cristal, souligne-t-il, ’Hergé fait connaître Saint-Nazaire à des millions de lecteurs comme il a fait connaître et aimer Shanghai et la Chine. C’est une belle dimension de l’oeuvre que d’enrichir le monde, de donner envie de le voir, de l’explorer.’