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A la recherche du Tintin perdu
Quand le mini-sous-marin revient dans la dimension de papier
mardi 10 janvier 2023
En 1999, à l’occasion de l’exposition Tooot ! Tintin, Haddock et les bateaux créée à Saint-Nazaire, le mini-sous-marin du professeur Tournesol quittait la dimension de papier pour la réalité. À la recherche du Tintin perdu, le roman graphique du talentueux dessinateur brésilien Ricardo Leite, l’y fait revenir.
A la recherche du Tintin perdu : sous ce titre à l’évidente référence proustienne, Ricardo Leite compense une frustration en forme de rendez-vous manqué, celui qu’il espérait avoir avec Hergé en 1971. Il avait alors 14 ans.
Brésilien, il a grandi dans une famille qui soutient et encourage son goût pour le dessin et, en particulier, pour la bande dessinée. Tout gamin, sa mère l’accompagne dans les rues de Rio, à l’affût des HQ – Historias em quadrinhos – qui garnissent les présentoirs des kiosques à journaux.
Quand son père lui propose de l’accompagner dans un voyage en Europe, Ricardo rêve avant tout d’une chose : rencontrer le créateur de Tintin. « Écris à Hergé. S’il peut nous recevoir, on ira en Belgique », lui dit son père. À sa lettre, il joint des dessins.
La réponse de Hergé arrive quelques semaines plus tard. Celui-ci le félicite et l’encourage, mais lui annonce qu’au moment prévu pour leur passage en Belgique, il sera en voyage en Italie. Immense déception pour le jeune Ricardo, qu’il va, en février 2013, débarquant à Bruxelles quarante-deux ans plus tard, s’attacher à résorber.
Bouleversé
Ricardo Leite a abandonné la bande dessinée pour une brillante carrière d’illustrateur, de graphiste et de designer au Brésil. Ce premier retour en Europe, À la recherche du Tintin perdu, le conduit bien sûr dans la capitale belge, au Centre belge de la Bande dessinée et, à Louvain-la-Neuve, au musée Hergé.
Il en revient bouleversé. Ce « sauvetage émotionnel », comme il dit, appellera d’autres voyages sur le vieux continent, des repérages, et des visites dans les hauts lieux de célébration du 9ᵉ Art que sont le festival italien de Luca, le plus ancien consacré à la BD, et celui d’Angoulême où il rencontre Olivier Roche qui préface le roman graphique.
Car Ricardo Leite veut partager sa thérapie, et en revenant à la forme, la bande dessinée, qu’après quelques approches de magazines brésiliens et français (Pilote, À suivre, Métal Hurlant), il avait abandonnée.
Traverser la page
Mais Ricardo Leite ne se contente pas de narrer son voyage. Il traverse la page, comme Alice traverse le miroir, et fait surgir dans ses planches, en un fourmillement baroque, créateurs et créatures qui ont alimenté son magma sensible : Tarzan, Mickey, Astérix, Little Nemo, les super-héros, les dessinateurs latino-américains, Hugo Pratt, Milo Manara, Corto Maltese, Moebius, Will Eisner, Alberto Brescia, Goscinny, et bien d’autres...
Des notices biographiques à la fin du livre permettent de situer avec profit les différents personnages, réels ou imaginaires, qu’il croise au fil de sa recherche, ici attablés à La Mort subite, là au CBBD, ou dans les Galeries royales Saint-Hubert, ou à Luca et Angoulême. Ce qui fait de cette recherche aussi un revivifiant retour dans l’histoire du 9ᵉ Art.
Acmé
EEt, bien sûr, acmé dans sa quête, Ricardo Leite décrit sa visite au musée Hergé à Louvain-la-Neuve, où, dit-il, il s’attend à vivre « la réalité de (son) rêve ». « Je n’ai jamais cessé d’être cet enfant passionné et enchanté par la magie des aventures de Tintin... », avoue-t-il. Contemplant « les merveilleux crayonnés », il voit « dans ces dessins spontanés et expressifs ... tout l’art qui se cache derrière la ligne claire imprimée dans les livres... La beauté des dessins et la richesse des scénarios m’emmenaient vers des terres lointaines en rendant ma petite vie d’enfant plus intense. Ce que j’avais de plus intime prenait une importance grandissante : au point que le monde réel semblait se rétrécir », confie-t-il. Et, résumant cette recherche : « Les bandes dessinées représentent pour moi ce que les madeleines étaient pour Proust : la transcendance d’un temps perdu. »
Au musée Hergé, Ricardo Leite s’arrête longuement devant le mini-sous-marin en forme de requin du professeur Tournesol. « J’ai tant rêvé d’aller dans ce sous-marin ! Je pense que j’ai navigué pour de vrai quand je lisais le livre ». Une planche entière est consacrée à ce moment de sa visite.
Jeter l’ancre
En 1999, le mini-sous-marin de Tournesol passait de la dimension de papier, celle de l’album Le Trésor de Rackham le Rouge, à celle de la réalité. C’était pour l’exposition Tooot ! Tintin, Haddock et les bateaux créée à Saint-Nazaire par Les 7 Soleils avec le soutien de Moulinsart.
Ludique témoignage du savoir-faire nazairien, la mythique invention avait été étudiée et construite par les étudiants en construction navale du lycée Aristide Briand, les stagiaires de l’AFPA (Association pour la formation professionnelle des adultes), et habillée par les peintres des Chantiers de l’Atlantique.
Après avoir accompagné cette exposition dans plusieurs musées de la Marine européens, le mini-sous-marin a jeté définitivement l’ancre, si l’on peut dire, au musée Hergé, à Louvain-la-Neuve.
À la recherche du Tintin perdu, Ricardo Leite. Éditions Sépia.